Si le mot fanzine a été véritablement utilisé, la première fois, en 1940 par un auteur de Science fiction américain, on avait déjà vu les prémisses de petits fascicules auto-édités, dès la fin du XIXe siècle. Poésie, fantastique, science fiction, depuis ses premiers pas, ce format un peu à part, bricolé, édité en petites séries et qui appartient au monde de la micro-édition, semblait déjà se caractériser comme un moyen d’expression non conventionnel. En libérant le créativité de ses auteurs, il permettait aussi de donner la parole à des cultures une peu en marge, loin des circuits officiels.
De fait, le fanzine connu un nouveau souffle avec le mouvement punk des années 1980. Art, musique et rébellion, ces ouvrages micro-édités se présentaient comme une nouvelle forme d’expression autant que comme des éclairs de protestation. Imprimés avec des moyens de fortune, via les mots, les images, les fanzines s’imposaient comme des coups de gueule de la contre culture rock et du Do it yourself (DOY).
Antisocial du fond jusqu’à la forme, derrière l’Art punk et la révolte brute exprimée dans ses contenus, le fanzine affirmait aussi sa volonté d’échapper aux circuits officiels d’édition, avec leurs cohortes d’annonceurs et de publicitaires qui finissaient toujours par prendre le contrôle du contenu. Or, le fanzine n’est pas un magazine. Il ne peut entrer dans les boites et dans les circuits policés de la bienséance. S’il s’y installe, s’il change de format pour se plier aux exigences des rotatives et des grandes séries et devenir une revue officielle, alors en principe, on le destitue de son nom, il ne le mérite plus.
De l’Art punk à la dilution des idéologies sociales : le sens du fanzine
Si le genre du fanzine explose dans les années 80, dans les milieux musicaux, artistiques, rock et underground, à l’arrivée d’internet, la vague contestataire des fanzines et de leur nature rebelle s’est un peu atténuée. Leurs auteurs auront trouver d’autres lieux d’expression sur le web mais peut-être aussi que le revival du rock qu’a été le punk s’essouffle déjà. Les Sex Pistols et les Ramones, bien rangé sur les étagères, difficile de rester punk à 40 piges quand on l’a été à 20. Et puis, la culture de papa est déjà devenue molle et même sa révolution des fleurs a fini par faner. Chez les enfants des baby boomers devenus grands, y-a-t-il encore grand chose à bousculer ou grand chose à défendre ? Ah ! les années 2000 et la mort consacrée des idéologies, étouffées sous la surconsommation et les lois du marché triomphant ! Après tout, le mur de Berlin est tombé. Plus de pauvres, plus de riches, plus rien que des minorités. Pour rétablir un peu de vérité sociale, on attend le petit chocolat mentholé qui fera exploser le gros monsieur dégueulasse en costume, à la fin du repas, comme dans un film des Monty python. Le sens de la vie.
Glissements artistiques et existentielles(istes)
Aujourd’hui, la culture des fanzines a survécu, mais du discours rock punk social des 80’s, le parti pris a plus souvent glissé du côté de l’expression artistique moderne et contemporaine, quelquefois même, hélas, deuxième millénaire oblige, vers la fanzine subjective et le microblogging. Moins de clash ! moins de trash ! moins de conscience sociale globale aussi.
Une fois basculé de point de vue pour se remettre en phase avec les nouveaux empilements de réalités, cela n’empêche pas que l’on trouve de bons fanzines. Du style, de la profondeur, du questionnement, ils sont simplement différents. Quant à leur radicalisme, il est plus souvent artistique ou existentielle que politique, rarement les trois à la fois. L’Art punk est mort ou presque, immolé sur l’autel d’un futur auquel il ne croyait pas lui-même. Pourtant, de temps en temps, quelques vieux iroquois, au crayon rageur, pointent encore leur gun conceptuel dans les fanzines. Les autres œuvres, souvent plus sages, loin de la contre culture critique et révolutionnaire, suivent leur route dans l’underground de la micro-édition. On trouve encore quelques festivals ou quelques lieux sympas qui leur sont dédiées. Nous vous en parlerons.